« Si c’est la raison qui fait l’homme, c’est le sentiment qui le conduit.»
Jean-Jacques Rousseau, écrivain, philosophe et musicien suisse, 1712-1778
J’ai toujours eu la conviction que ce n’était pas l’argent qui menait le monde, mais bel et bien l’amour. C’est par amour que les gens s’enfuient vers des contrées à l’opposée de celles qui les ont vu naître, c’est par amour que les enfants égratignent des feuilles et offrent leurs gribouillis à leurs parents et, surtout, c’est par manque d’amour que les êtres humains veulent contrôler leur environnement et les gens qui l’habitent.
Je crois aussi que l’art peut sauver des vies. Je sais que peindre a sauvé la mienne. Si mon sous-sol n’était pas rempli de toiles noires et mauves, je me demande où j’aurais lancé les émotions qui, à 16 ans, me bloquaient la gorge, m’emplissaient de frustration et m’enlaidissaient de colère. Si mes tiroirs ne débordaient pas de pages barbouillées de pensées, quelquefois cohérentes, souvent complètement décousues, j’ignore comment j’aurais réussi à faire naître en moi la confiance nécessaire pour percevoir la beauté de la vie.
Est-ce que barbouiller un mur de sa signature unique permet aux jeunes qui le font d’exister ? Est-ce que transformer des couleurs en œuvres choquantes permet à ceux qui les conçoivent de s’aimer plus ? Est-ce que vouloir attirer l’attention et divulguer ses opinions au grand jour est un signe d’intelligence ? De faiblesse ? Je ne sais pas. Je pense que chacune de ces questions possèdent plusieurs réponses, mais je n’ai pas l’ambition d’y répondre.
Confortablement installée dans mon salon, si je tourne le regard vers la rue derrière moi, une clôture est maculée de graffitis. Sans mettre mes lunettes, je ne décèle aucun détail. Je constate seulement que le paysage est un peu moins harmonieux. J’imagine aussi que les gens qui habitent derrière la clôture sont horrifiés de voir leur palissade ainsi saccagée.
Par contre, si je dépose mes lunettes sur mon nez, je vois une panoplie de signatures. Elles ressemblent aux esquisses que je faisais lorsque je tentais de trouver la mienne. Chacune possède sa propre personnalité et camoufle sûrement un grand besoin d’amour. Je sais que ce n’est pas bien de vandaliser la propriété d’autrui. Je sais que ce n’est pas correct de détruire ce qui ne nous appartient pas et ce peu importe la douleur qui émerge de nous lorsque c’est le pinceau ou la canette de peinture qui s’exprime. Je sais… Pourtant, en regardant les graffitis qui garnissent mon quartier, j’ai une petite pensée pour tous ces jeunes qui choisissent de salir l’environnement d’autrui plutôt que de souffrir en silence.
Est-ce que dessiner sur un mur sauve la vie de certains jeunes ? Je l’ignore, mais si seulement un ado – un seul - chargé de colère parvient à éviter le pire en expiant ses douleurs grâce à un graffiti, je lui offre ma porte de garage sans problème.
En 1982, j'écrivais une histoire qui avait comme objectif premier de faire comprendre aux adultes qui m'entouraient, que le vrai but de la vie était la mort. J'avais 12 ans. C'est à l'âge de 37 ans pourtant que j'ai compris à quel point la mort était la source première de la vie et à quel point aussi, je devais lui faire face pour apprendre à exister vraiment.
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